vendredi 9 janvier 2009

Taille blanche


Il y a des images qui en disent plus long qu'un (long) reportage à la télé sur la vie des vignerons... C'est le cas de ce sécateur comme abandonné sur le fil d'une treille gelée. Le sol est blanc, givré, lui aussi. Le climat doit être réfrigérant et le vent glacial dans cette partie de la Malepère livrée aux courants d'air et aux coulées froides venues du Nord. 

Le vigneron, sans doute, a fait une pause après des heures de taille harassante: clic, clic, clic... A chaque hectare, il reproduit le geste plusieurs dizaines de milliers de fois. La peau du visage est rougie par le froid. Ses doigts sont gourds, malgré l'épaisse paire de gant. Cette halte, il ne l'a donc pas volée. 

Il en a profité pour faire quelques photos de cette plaine qu'il aime tant. On devine son ombre projetée sur les ceps. Plan serré, zoom arrière, plan large... Des souvenirs de cette terre qui l'héberge, l'accepte et lui donne chaque année de si beaux raisins. Les clichés, il les enverra tout à l'heure à ses amis. Il verront ce que ça peut être le sud, en hiver.

Lentement, il regarde autour de lui. A gauche le massif boisé qui remonte vers les Pyrénées toutes proches, sa Malepère. A droite, la petite route qui le ramènera tout à l'heure à Arzens, son village, à travers les Cabernets et les Chasans. Le dos lui est encore douloureux du traumatisme de l'an dernier. Mais ça va mieux. Rien à voir avec les douleurs du printemps ou de l'été... Il lui semble que le plus dur est passé. 

Une dernière fois, il regarde avec satisfaction les sarments déjà tombés. Ses jeunes Merlots nus, désormais. Prêts à repartir de plus belle dés le printemps venu... Mais assez musardé. Des ceps encore branchus attendent la main de l'homme. Clic, clic, clic... C'est qu'il est seul à travailler cette terre devenue hostile, le temps d'un hiver. Mais il n'est pas de ceux qui se plaignent à la première neige de la route devenue impraticable ou des services publics défaillants. Il n'en a pas le temps. Le travail l'attend. L'hiver, les journées sont courtes. 

Un verre d'Écume des Jours posé sur la table, dans le confort de mon appartement parisien, je regarde ces photos comme si j'y étais. "Cette histoire est vraie puisque je l'ai inventée", disait Boris Vian. Sans doute la dentelle rouge d'Edouard Laffite (Roussillon) me donne-t-elle la liberté de me glisser quelques secondes dans la peau de Frédéric Palacios pour être à ses cotés, dans les vignes, au moins par l'esprit.

Et sur la neige en Languedoc: "Snowing en Minervois".

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