mercredi 21 mai 2008

To bio or not to be?


En ces périodes de montées de sève, indéniablement, les cerveaux vignerons sont en ébullition. Être ou ne pas être (bio), dénoncer "l'ennemi phyto" ou défendre sa manière de faire et ses propres vins? "That is the question"...

En Malepère, ces jours-ci, Frédéric Palacios ne peut plus passer devant des vignes traitées sans avoir des haut-le-coeur. Ou sortir son appareil photo, comme il l'a déjà fait ici. Lui qui tombe ses bourgeons à la main, cep après cep, pour choisir le sarment qui portera les plus belles grappes, ne comprend plus ses voisins. A ses yeux, l'ébourgeonnage chimique , même s'il coûte 5 à 10 fois moins cher, est une aberration. Et ces pousses grillées par les produits (à droite) un spectacle inutile.
"Bien sûr que c'est dur, à la main, plaide-t-il. Mais il suffit de se baisser. De donner du temps à ses vignes pour les inciter, en douceur à donner le meilleur d'elles-même... Publie-là cette photo, Laurent, les gens doivent savoir".
Dont acte, Frédéric: désormais ils savent. Mais est-ce à cela qu'ils jugeront tes vins? On en reparlera.

Au même moment à quelques centaines kilomètres de là, en Champagne, Bertrand Gautherot raconte cette confidence d'un vendeur de produits phytosanitaires.
"Demain matin, lui raconte le commercial, je vais traiter onze hectares du coté des Riceys... Mais je sais bien que c'est de la pure forme. Ces vignes sont saines. Aujourd'hui, si j'épands des insecticides, des herbicides, ce n'est pas pour traiter mais pour rassurer le client. Par habitude. Qu'est-ce que je fais: je refuse ? Je perds un client? Un autre le fera. Quoi alors? Le faire, alors que je sais que ça ne sert à rien? Tout ça n'a plus de sens."
Et l'ami Bertrand de se poser à son tour des questions :
"Et moi, que dois-je faire?", m'écrit-il. "Parler et être maudit des vignerons ou me taire et être blâmé, demain, par mes enfants?"
En Alsace, toute la communauté viticole murmure que c'est parce qu'il a rompu ce pacte tacite ("se taire ou être maudit"), qu'un Alsacien très "nature" a retrouvé ses vignes sciées par trois fois en moins d'un an, sous le pied de greffe. Dix ans perdus. Le "sérial coupeur" n'a jamais été retrouvé et la mésaventure de Christian Binner n'a guère fait avancer la cause. Mais elle a fait le bonheur des équipes de télé venues au milieu de ses vignes dévastées faire un reportage saisissant.

Alors, oui, que faire? Dénoncer les abus et les dangers, marteler des slogans, pourfendre la chimie? Ou faire parler ceux qui ont choisi un autre chemin? Ces hommes et ces femmes qui, de plus en plus nombreux, choisissent la modération... L'exigence. La main de l'homme de préférence aux molécules. Même si le chemin est plus escarpé et plus coûteux.

Lorsque un vigneron comme Thierry Allemand (ci-dessous), retourne ses terroirs de Cornas à la pioche et au treuil, parce que ses pentes de 35 à 40 degrés ne permettent à aucun engin de travailler et qu'ils a renoncé aux désherbants, je dis respect. Même si, pour cela, il doit vendre ses Chaillots et ses Reynards 39 et 48 euros la bouteille, ce que je ne peux pas m'offrir.

Lorsque Marcel Richaud, se convertit au bio, par exigence personnelle, alors que "nature" ou pas, il est déjà le "Pape" de Cairanne, je dis chapeau.

Lorsque Maxime Magnon fait revenir un cheval ou un chenillard dans ses vignes, pour évité d'écraser des sols asphyxiés depuis deux générations, lorsque Jean-Baptiste Sénat "décavaillonne" dans une région qui a enterré depuis belle lurette ces pratiques, je les applaudis. Pas par esprit sectaire, ni par nostalgie. Pas non plus au détriment des autres... Mais pour leurs qualités. Parce que ce sont des vignerons honnêtes et exigeants. Parce qu'ils sont précis et que leurs vins sont bons.

A mon sens, cette petite musique là vaut bien le fracas des indignations.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je suis un lecteur assidu de votre blog, j'en aime la tonalité générale et surout la mise en avant des hommes qui font les Vins que j'aime boire au quotidien. Mais sur cet article, je ne suis pas en phase avec la dernière phrase :
"A mon sens, cette petite musique là est bien plus efficace que le fracas des indignations"
Je pense qu'il y a des moments, des circonstances, où l'indignation est inévitable, nécessaire, parce qu'elle permet de mobiliser et de mettte le coup de projecteur sur une situation donnée (cf le déclassement en Vin de table du primeur de Marcel Richaud), et il y a le temps de l'action du quotidien (votre blog par ex), les salons, le travail des Vignerons que l'on aime, leurs vins qui viennent témoigner et conforter les indignations. Tout ce la ne s'oppose pas, mais se complète.

Anonyme a dit…

En vérité l'indignation ne nous est pas étrangère (voir "la grosse colère de Marcel Richaud" ou "Toxique affaire"). Mais pour séduire, la "petite musique" me semble être un vecteur de vérité tout aussi efficace. Surtout auprès de nouveaux publics, moins féru, plus "amateur" que militant, en un sens.

Amitiés.

pinardier a dit…

Peu importe la forme, le fond du problème est toujours le même: faire éclater la vérité. Et pour cela tous les moyens sont bons. Le travail des vignerons bios est signe d'un engagement fort et necessite un investissement humain considérable alors nous nous devons de relayer ces efforts et en haussant le ton si c'est necessaire... Le consommateur est le seul à décider, la vrai démocratie est là, dans les choix de consommation. A qui vais-je donner les quelques euros que me couteront une bonne bouteille? C'est la question essentielle car tout découle de ça. Alors pour la petite musique OK, mais je crains que ça ne suffise pas à contrebalancer 20 ans de mensonges.
A bientôt.

Anonyme a dit…

"Mon drame, disait Nietsche, c'est que je suis nuancé".
:-D.

Quand au consommateur - dont je suis - donnons-lui à boire, mais aussi à voir et à comprendre. Expliquons plutôt qu'assèner. Après, bien d'accord: à lui de choisir.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Justement, ce blog remplit très bien la fonction "pédagogique" d'explication aux "consommateurs". Il permet de comprendre le travail qui se cache derrière ces étiquettes des vins natures. ils ne sont pas juste une mode mais une philosophie agricole et gastronome à part entière.

Moi, je ne bois plus autre chose. Question de santé me demanderez-vous ? Oui, mais surtou tquestion de goût ! Je m'emmerde passablement quand je bois un vin "industriel" maintenant, je n'éprouve rien, n'imagine rien, le vide total.

Je suis persuadé que le vin nature est l'avenir du vin, du moins pour ceux qui l'aiment vraiment. Il ne peut en être autrement. Toutes les personnes que je connais qui ont goûté ce type de vin ne font plus marche arrière (même si elles sont souvent déstabilisées au départ).

Donc, la santé oui mais pas sans le goût ! Vos amis allient les deux fort heureusement pour nous !

Salut !