mardi 1 avril 2008

Toxique Affaire


De retour d'un voyage au Chili, André Ostertag s'est aventuré sur le blog et m'envoie un gentil mot. Un mot de poète:
"Le vin c'est un lien, le vin c'est la vie", m'écrit-il sur la page de garde de son recueil de textes.
Touché du compliment, le livre en main (AmpelographicA, Ed. Voix), je lui réponds en paraphrasant ses vers:
"Ce n'est pas moi qui fait le blog. C'est la vie et le monde qui déposent les mots sur la toile".
Et puis, au fil de la conversation, les vers cèdent la place au commun et le trivial nous rattrape. Lui qui pratique la bio-dynamie avec la modestie qu'il met en toute chose, me signale une étude édifiante sur le passage des pesticides dans le vin. Les analyses racontent comment les produits chimiques imprègnent la vigne, se nichent dans la plante, le raisin et résistent au processus alcoolique pour se retrouver en bouteille.
"Sur 40 bouteilles testées dans toute l'Europe (dont dix en France, ndla), me raconte-t-il, 35 contenaient des traces d'insecticide, de fongicide ou de désherbant. Des produits hyper toxiques...".
Vérification faite, le laboratoire indépendant a retrouvé du Procymidone dans presque tous les vins testés, du 1er cru de Mercurey au Saint Estèphe. Les laborantins ont également trouvé du Fluodioxonil et de l'Iprodione dans le Santenay, du Carbendazim dans le Pomerol, du Cyprodinil dans un cru classé de Pessac-Léognan... Drôle de rimes.

En l'écoutant, je me souviens d'un autre chiffre que m'a glissé Bertrand Gautherot (Vouette et Sorbée): on aurait retrouvé dans ces bouteilles 5800 fois les doses de pesticide admises pour l'eau potable. Libération précise, à juste titre, que ces doses sont juste en dessous de seuils légaux applicables au vin. Certes. Mais tout de même... La plupart de ces molécules sont classées cancérogènes, neuro-toxiques ou perturbateurs endocriniens par l'Union Européenne. Les produits en question sont loins d'être anodins. Pour autant, personne n'a réussi a évaluer à ce jour le risque pour le consommateur.

En revanche, on sait depuis longtemps que les vignerons sont exposés. Des chercheurs de la faculté Besançon ont, par exemple, souligné la fréquence du cancer du cerveau chez les vignerons: 25% de plus que la moyenne nationale, précise cette étude qui pointe le rôle des pesticides. Les risques du métier, disait la rumeur...

Une seule bonne nouvelle finalement: les 6 vins bios testés sortent - pratiquement - indemnes de l'analyse. Seul un Bourgogne présente des résidus de produits chimiques. La "contamination" serait donc limitée, sinon nulle. Un exploit, souligne André Ostertag, dans un pays où vignes "bio" et vignes "phyto" cohabitent sur des territoires d'autant plus étroits, qu'ils sont spéculatifs.

Au ministère de l'Ecologie on se dit "concerné par le sujet". Vestale du "principe de précaution" qu'elle a participé à faire inscrire dans la Constitution, Nathalie Kosciusko-Morizet explique cependant que "la vigne est particulièrement sensible aux maladies" et qu'elle "appelle, naturellement, des traitements importants". Ces concessions faites aux adeptes de la chimie, elle récite, doctement, les engagements de "son" Grenelle de l'Environnement:
"Nous avons décidé de supprimer les produits qui contiennent les 40 molécules les plus dangereuses. C'est en route. Les premiers décrets sont parus. Dans les années qui viennent, nous voulons réduire de 50% le volume des pesticides utilisés et développer des pratiques moins agressives".
Elle oublie de dire que c'est un objectif européen, fixé en 2002 par le plan "anti-pesticide". Mais qu'importe... Elle y croit.

Passionnée, elle raconte même qu'au Ministère, depuis son arrivée, on ne boit plus que du vin bio, parce que "le bio, c'est pas plus cher et c'est bon". Il n'est pas un journaliste parisien qui ait échappé à son petit laïus sur le sujet. Si l'on en juge par la fréquence de son apparition sur la table du ministre, on peut même imaginer qu'elle voue un culte particulier au Sancerre blanc de Sébastien Riffault.
"Sérieusement, on est conscient du problème, conclut une conseillère avisée. Mais on ne peut pas faire beaucoup plus. L'Europe est en route, les résistance sont fortes. Maintenant, c'est aux consommateurs de jouer. Leur portefeuille, c'est aussi un bulletin de vote."
Sur le terrain, nombreux sont ceux comme André Ostertag et Bertrand Gautherot qui n'ont pas attendu le Grenelle pour appeler à lever le pied. A traiter léger. A traiter doux. "La vigne le supporte", plaident les vignerons encore très minoritaires qui ont adopté cette forme d'homéopathie viticole.

Comme l'écrit l'ami Ostertag, dans AmpelographicA:
"la vigne n'est pas si fragile. La vigne ne connaît pas la peur. La vigne ne connaît que la vie".
La ministre, qui ne quitte jamais le petit carnet où elle note les vers de ses poètes préférés, appréciera...

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