"Moi, dit l'homme avec un grand sourire, j'ai de la chance. Chez nous, il n'y a qu'à laisser faire le terroir. Dans les règles de l'appellation. C'est tout simple: ça se fait tout seul."Encore échaudé par le récit des malheurs de Richaud, j'en entend qui s'étranglent. Et le goût du risque? Et le bio? Et l'esprit créatif? "A quoi bon", répond en substance mon interlocuteur en décrivant le système quasi-miraculeux dont il a hérité:
"A Chablis, on n'a qu'un cépage: le chardonnay. Et des règles de vinification très strictes. Il n'y a qu'à suivre... C'est "Petit Chablis" sur le plateau, "Chablis" pour les chardonnays exposés Nord, "1er cru" pour les coteaux sud. Et "Grand cru" pour le plein sud. En 1er cru par exemple, il y a une quinzaine de lieudits que nous sommes parfois une dizaine de vignerons à nous partager par tranche. Ce sont des bandes qui se ressemblent toutes. Le raisin se fait tout seul. La seule différence, c'est le piquet... Faut juste faire attention de ne pas vendanger une rangée du voisin quand on passe avec la machine. surtout si on ramasse de nuit!"Michel, pas bégueule, précise sans se faire prier, qu'il "traite" bien sûr, "quand il faut", "comme les voisins". Il est dans la ligne, finalement.
En campagne, c'est bien connu il y a deux façon de faire fortune: l'héritage et le mariage. En épousant Joëlle, une fille de Chablis, elle aussi, Michel a réuni les deux:
"Je tenais de famille mes premières parcelles de 1er cru, explique le vigneron. Les deux autres, elles sont arrivées dans la sacoche de la mobylette bleue, comme on dit. La dot... Des parcelles de Fourneaux et de Mont de Milieu en dot, c'est la belle affaire, non?"Et pour tout dire, au risque d'essuyer une volée de bois vert, je dois avouer - mais sous la torture... - qu'ils sont très corrects ses vins. Minéraux, gras, avec de petite notes de noisette cachées sous l'acidité des Monts de Milieu 2006. Très "typés Chablis", comme disent les époux Barat sur leur site internet. Pas de surprise, mais pas de défaut. Le tout entre 6,80 et 13 euros, "prix conseillé" bien sûr...
Heureux, les époux Barat opinent du bonnet:
"Non, y a pas à dire on est gâté, chez nous. Le vin se fait tout seul. Et il se vend sans problème. On constitue un carnet d'adresse sur un gros salon comme celui-là et hop, c'est tout droit..."Un vigneron c'est donc aussi, parfois, un agriculteur qui se contenter d'exploiter ce que la terre lui a donné... Et le statut commercial offert par une appellation réputée. Sans sortir du cadre, sans chercher plus loin. Et finalement sans se poser trop de questions.
La mariée était sans doute trop belle... Pour en demander plus. Et puis, comme dit Frédéric Palacios, qui tente sur le stand d'à coté (E6) de se faire un nom sur une appellation méconnue (la "Malapère", comme l'ont écrit par erreur les organisateurs):
"On ne peut pas tous être des aventuriers, pas vrai?".
2 commentaires:
Heureusement qu'il reste encore quelques "aventuriers" pour défendre une certaine vision de la viticulture, meme à Chablis. Allez donc gouter Alice et olivier De Moor, vous verrez la différence !
Le mal de tronche en moins.
Pierre-Henri.
Un lien pour se faire une idée de ce que certains considèrent comme les dérives du Chablis: http://www.lexpress.fr/mag/saveurs/dossier/spevin/dossier.asp?ida=451222.
On y retrouve effectivement les De moor, dont la Rosette (classée en Chablis) tourne autour de 20 euros (23 et plus chez Lavinia). Et d'autres...
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