En cette rentrée, le VDMA vous propose de redécouvrir les vignerons qui ont fait le bonheur du blog depuis sa création. A tout seigneur tout honneur, parce qu'il a été l'un des initiateurs de cette aventure des "amis", revoici le portrait de Jean-Baptiste Senat et de sa femme Charlotte, révolutionnaires en Minervois.
Senat ou le coup d'éclat permanent.
Il a repeint la porte de la cave. En rouge, comme il se doit. Fait tomber les rambardes en pierre, trop instables à son goût. Dans la cour, le vieux pressoir, lui aussi, a pris un coup de jeune. Bientôt c'est dans les anciennes cuves en béton du Domaine, transformé en bureaux, que Charlotte, sa femme, accueillera les visiteurs
"Il faut ça, il faut que ce soit beau, si on veut que les gens aient envie de venir nous voir", commente Jean-Baptiste Senat, chemise hors du pantalon et main éternellement tachées de tanins.Les "particuliers"... Voilà donc le nouveau public du Domaine Senat, devenu en quinze ans l'une des figures du nouveau terroir languedocien. Cette année-là, lui le chouchou des cavistes natures et des restaurants branchés, c'est pour "les particuliers" qu'il se met en frais. Ces inconnus qui ne connaissent de la Nine, d'Arbalète ou d'Ornicar que les étiquettes design (signées Gianfranco Pontillo) et la bouche croquante.
Symbole de cette nouvelle ère: à
l'entrée de la cour, au bout de la rue de la Forge, les Senat viennent de replanter un jeune cyprès pour faire pièce à celui qui s'élève, altier, contre la colonne de droite.
"Dans la région, le cyprès c'est un signe de bienvenue, clame fièrement Jean-Baptiste
Et ce coté "portes ouvertes" et maison de verre, c'est un sacré virage pour celui qui entretient avec malice dans le métier sa réputation d'ours mal léché. Provocateur, autant que créateur, Jean-Baptiste c'est le rebelle du Minervois. Parisien aux racines languedociennes, ancien étudiant en Sciences Politiques, reconverti dans le vin sur un coup de tête, un beau jour de 96, il n'a cessé depuis de bousculer les habitudes du Minervois... Au risque de se faire quelques solides ennemis.
La revue Eating Paris résuma un jour sa position en une photo, aujourd'hui affichée au dessus du bureau de sa femme Charlotte: une bouteille d'Ornicar transformée en cocktail-molotov. "Pour se dé-fragmenter de plaisir" disait le texte (Ed.Tatami). Pas mal pour un type né en 68 du coté du boulevard Saint Germain...
" Je suis venu là pour me trouver, raconte-t-il, les deux pieds plantés dans la terre de ses vignes. Je n'étais tout simplement pas programmé pour ça. Mon frère est magistrat, ma soeur est médecin, je crois que mon père rêvait pour moi d'une grande école... Dans le cursus familial, science pô, c'était le service minimum. Mais je ne le sentais pas... A 25 ans, j'avais le sentiment que ma vie était finie. Ici, il y avait des terres, des vignes, des raisins. Avec Charlotte on a tout quitté pour s'installer là. Elle m'a donné cette force et ici, enfin, je me suis trouvé. Dans le travail. La saine fatigue d'une rude journée. Les courbatures... J'aime ça. J'ai tout de suite aimé ça."C'est lorsqu'il est dans ses vignes que l'homme est le plus heureux. Lorsqu'il parcoure ses vieux ceps ou surveille ses vinifs à la cave. Armé d'une pioche, ce jour-là, Jean-Baptiste fignole le travail du tracteur.
"En fait, on "décoiffe", raconte-t-il avec gourmandise. On décavaillonne, comme on dit ici. On casse le caoucel, le petit monticule de terre qui protège les pieds de vigne. C'est une vieille technique de désherbage mécanique... Du même coup, on vient casser les petites racines les plus superficielles, pour obliger la vigne à plonger profondément dans la terre et à profiter pleinement du terroir. En juin, on viendra"coiffer" tout ça, remettre la terre dans la rigole, pour finir d'étouffer les mauvaises herbes".Il y a de la jubilation dans cette façon de tracer un sillon, patiemment, là où le temps avait fini par effacer les ornières.
A Trausse, il élève désormais ses vignes et ses trois enfants avec un plaisir égal.
Mais ce bonheur ne l'a pas assagi. Et tant mieux pour ceux qui aiment ses vins.
Débatteur redoutable, à l'occasion tranchant, Jean-Baptiste n'a jamais caché ses convictions:
"Je crois à des vins de terroir, plus justes, plus précis, explique-t-il. Plus digestes aussi parce moins tanniques. Plus près du fruit. J'en ai assez de ces "classiques du Languedoc"qu'il faut attendre dix, quinze ans... A l'arrivée ils sont bien là, pas de doute. Mais ils ne m'épatent pas."Un brin sectaire ?
"Je ne crois pas, répond le vigneron. Je ne condamne pas une démarche par principe. Il y a un mois par exemple, j'ai visité Tariquet. C'est industriel, pas bio mais c'est cohérent. C'est pas mon truc, mais je respecte".
Jean-Baptiste, décidément, est un homme complexe. Intransigeant et curieux, il aime les vents contraires et se nourrit volontiers d'influences paradoxales. Comme sa vigne, il retient ce dont il a besoin et laisse filer le reste. Mais c'
est aussi un insatiable découvreur qui n'aime rien tant que dénicher les jeunes talents de demain.
Charlotte (à droite), sa femme, n'est pas en reste. Jeune agricultrice désormais diplômée, cuisinière de génie et organisatrice hors pair, c'est elle qui met en musique chaque année les fameuses dégustations du "Vin de mes Amis". Là, se retrouvent les maîtres auxquels le couple voue une admiration sans borne d'Arena à Foillard,
de Gautherot à Valette, en passant par ces petits nouveaux auxquels ils aiment faire la courte échelle.
Pour cela comme pour le reste, Jean-Baptiste a un vrai talent. Un talent explosif... Rugueux et généreux comme ce Languedoc auquel il aspire tant ressembler. Voilà pourquoi, l
orsqu'un vigneron comme celui-là ouvre ses portes, il faut s'y précipiter. Avant que l'animal ne change d'avis... Ou d'adresse. Avec lui, on n'est jamais tout à fait à l'abri d'une révolution.
Jean-Baptiste et Charlotte Senat, 12 rue de l'Argent-double, 11160 Trausse. 04.68.78.38.17.
Sur le net: le blog du domaine Senat.
1 commentaire:
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