Elle a tout de suite aimé le petit chemin blanc qui mène aux vignes. C'était un matin de printemps 2007. Il faisait un soleil radieux au dessus de Saint Pargoire et le sol caillouteux crissait sous les pieds. Mylène Bru s'est instantanément sentie chez elle au milieu de cette nature sauvage où le buis, la lavande et la bruyère viennent tutoyer les ceps. Elle a laissé les parfums sucrés lui chatouiller les narines, lui rappeler l'enfance. Et puis, sans réfléchir elle qui avait tant hésité à se lancer, elle a craqué pour ces treize petites terrasses, noyées dans la garrigue.
"C'est un peu hostile, comme ça, concède la néo-vigneronne. D'ailleurs, il m'ont tous dit que j'étais folle d'acheter là. Que ce serait trop dur, trop pénible. De fait, on n'a même pas la place d'y faire tourner un tracteur! Mais ces ceps, je les ai aimés au premier coup d'oeil. Il y a un peu de tout: du Carignan, des Grenaches, un peu de Syrah, du Cinsault, mais aussi du Tempranillo (un cépage de la Rioja voisine, ndla) du Marselan et même un demi-hectare de Chasselas... Finalement, toute cette végétation, ça me rassure. Ici, je me sens protégée."
Depuis, elle quitte tous les matins sa bonne ville de Sète, ses quais de pinardiers et ses chais immenses, pour aller travailler là-haut, où jadis on ne trouvait que des chèvres et des moutons. Deux ans de labeurs à la dure, sans eau ni électricité. Avec en guise de parrains, dés le premier millésime, le mildiou et la grêle. Et pour tout engin agricole un petit chenillard, et une "brouette solo", idéale pour travailler sur de si petits espaces.
"J'ai toujours rêvé de faire du vin, raconte-t-elle. Le vin c'était une odeur d'enfance. Celle des caves de mes deux grand-pères en Corbières. Les parfums de vieilles pierres et de champignon. L'odeur de la macération... J'ai grandi là, avec des goûters où on mélangeait le vin un peu sauvage à la limonade artisanale. Mais la cave, elle, me semblait interdite. C'était un monde d'homme, avec de grandes clés immenses suspendues aux portes. Inaccessible. Il m'a fallu du temps pour sauter le pas. Presque vingt ans, en fait!"Le reste aura été affaire de déclic... Et d'amitiés. Il y a eu la complicité avec Catherine Bernard, la première des deux à avoir "osé". Et puis Paul Reder, dont la bergerie de Comberousse héberge aujourd'hui les cuves de Mylène, et son pressoir vertical, "mon seul luxe", comme elle dit. Sans oublier Emile Heredia, l'homme du Vendômois qui passe désormais ses "dimanches" à Aspiran, non loin de là.
Il fallait bien tous ces amis pour affronter les premières épreuves, les angoisses et les nuits blanches du premier millésime. Le doute qui parfois revient l'assaillir.
"C'est vrai que j'en reviens pas encore d'avoir sauté le pas, avoue-t-elle. Je me dis mais attends, là... qu'est-ce qui t'a pris? Comment as-tu osé? Et puis je regarde autour de moi, les vignes, cette cave ouverte, sans murs, sans clé... Et je me dis que ça existe. Ça y est. Et qu'il n'y aura pas de retour en arrière."
En 2008, pour son premier millésime, elle a tiré 5000 bouteilles de ses précieuses parcelles: un surprenant blanc de Chasselas (!), quelques centaines de magnums de rosé ("une grande fille comme moi") et le très prometteur "Far Ouest", une alliance de Carignan, de Grenache et de Syrah qui l'étonne encore:
"Moi qui aime les vins un peu fermés, qui sentent l'écurie, les vins de mon enfance en fait... J'ai fait exactement l'inverse: un vin plein d'oxygène, très ouvert! Un vin sans dureté, avec des notes d'épices et la saveur des cerisiers qui poussent tout autour... Mais surtout ce petit grain léger qui vous roule sur la langue. Des fois, à le goûter, je me dis qu'il n'est pas très à la mode mon vin... Mais à moi, il me plaît!"
Et elle rit de plus belle, en reposant la bouteille qu'elle a ouvert pour vous. "Parce que je sais pas parler de vin sans le boire", plaisante-t-elle encore. Et parce que ce Far Ouest là, elle en a bavé pour le conquérir.
Mylène Bru et ses Coteaux du Languedoc seront du voyage de Verchant, du coté de Castelnau-le-Lez, le 23 février prochain pour la dégustation plein Sud du VindemesAmis.
6 commentaires:
bravo les filles vous êtes les meilleures, quel courage!!
Une concurrente pour Marlène (Soria) à Saint-Pargoire? Voilà qui donne envie de la découvrir, en tout cas!
bonjour Laurent,
C'est du Marselan, métis de grenache et cabernet sauvignon
Longue vie à Mylène
eric
encore un superbe reportage qui donne vraiment envie de gouter les vins de cette Femme.
le 23 certainement, même si je commence a avoir une liste a rallonge !!!
Simplement demandeur de goûter.
Raconté de la sorte cela ne peut être que bon!
Laurent,tu devrais plus souvent nous raconter de belles histoires comme celle-là, et nous faire rêver.
Cela fait du bien.
Très bien goûté le Chasselas 08 au VDMA.
Et quel plaisir de papoter avec cette vigneronne qui en a encore plein les mirettes !
Tudieu, vive les cowgirls !!!
Enregistrer un commentaire