mercredi 30 janvier 2008

Catherine Bernard : in vino libertas...


Catherine a la voix perchée et le timbre clair. L'enthousiasme communicatif des passionnées et la modestie du néophyte. Cette ancienne journaliste fait du vin depuis trois ans maintenant sur trois petits hectares achetés à crédit du coté de Saint Drézery :
"La vigne, explique-t-elle, c'est une affaire de capital : on est héritier ou déjà riche. Il faut avoir des terres, une cave, le matériel coûte un oeil. Moi, je n'avais rien. Donc j'ai trouvé mes 3 hectares 60 de mourvedre et de grenache (en fait du Marsellan, un métis de grenache et de cabernet-sauvignon sorti des serres de l'INRA, mais on s'était bien gardé de le lui dire, ndla). Je réinvestis tout d'une année sur l'autre. Et je balade mes cuves à droite à gauche."
On s'étonne. A droite à gauche ? Mais elle n'a pas de cave, de domaine où les stocker ? Elle rit de plus belle :
"Non... Rien de tout ça! Je suis une S.C.F.... Sans Cave Fixe : j'ai acheté des cuves, mais elles sont hébergées, année après année, dans les caves des uns et des autres. Les copains journalistes à Paris me disent : "ta vie ça doit être le rêve", ils imaginent le domaine au milieu des vignes. Tu parles! Je vis dans une petite maison en ville, à Montpellier, avec mes deux fils. Je me déplace en tram. Je ne prends la voiture que pour aller dans les vignes. C'est ça mon bureau... La campagne...".
Mais elle ne se plaint pas. Au contraire. Cette vie, l'ancienne correspondante de Libération l'a voulue. Du jour au lendemain, à quarante ans passés, plutôt que de remonter à Paris retrouver la "vie trépidante des rédactions", elle a signé pour une formation d'un an en viticulture et oenologie :
"Je me suis toujours dit, dés toute petite, que j'aurais deux vies. Je vivais dans un village du coté de Nantes, je me voyais agricultrice mais dans ma famille ça passait mal. J'ai donc opté pour le journalisme, tout en rêvant d'horticulture. Et puis j'ai toujours aimé le vin... Il y a des muscadets fameux là haut... Dans le Languedoc, comme journaliste, j'ai découvert la vigne et j'ai fais le lien entre les deux. Parce c'est la Souche qui dit. C'est elle le qui dicte. Je venais d'un monde où l'on croit tout maîtriser, où tout va très vite. J'ai tout appris : l'exigence de la taille. Le silence... Juste le cliquetis des ciseaux dans les vignes. La vigne, il faut apprendre à lui faire confiance. S'en remettre à elle. Pour moi qui suis une grande angoissée et une grande stressée, ça a été une libération : être obligée de m'en remettre... La vigne, c'est une école... J'en vis. Pas au sens financier mais au vrai sens du terme : si il n'y avait pas la vigne tôt le matin, ces moments de silence, je ne pourrais plus. Je péterais les plombs."
Étonnement franche, Catherine reconnaît que la première année l'a gâtée. Mais elle parle aussi sans pudeur de ses ratages :
"2005 ça a été une année superbe. Ça s'est fait tout seul. Un beau vin complexe. Tout de suite mes bouteilles ont trouvé leur chemin chez un type comme Robuchon (photo de droite). Un malheur, en fait... Parce qu'à coté, en 2006, je n'ai eu que des pépins. Le raisin m'a tout fait. J'ai dû sulfiter. Le minimum, mais tout de même. J'ai même sauvé quelques cuves à coup de levures pour relancer la fermentation. Une cata... Une partie des grenaches est carrément partie en vinaigrerie. Et au bout un vin caractériel, fragile, instable."
Heureusement - et du coup on la croit - elle promet aussitôt pour mars/avril ("enfin quand il voudra bien!", comme elle dit) un joli 2007... Un vin facile. Agréable. Équilibré. Mais aussi un drôle de "Coteaux du Languedoc" aux allures de Morgon plus que de Pic Saint Loup. Elle promet aussi ce "claret" qu'elle sort en vin de table et appelle en rigolant sa "grenadine pour adulte". 2000 bouteilles de l'un, 3000 de l'autre. Dix et sept euros, "départ propriété", si l'on ose écrire... Pas de quoi en vivre, en tout cas. 

Elle hausse les épaules : "ce qui est fabuleux dans le vin, conclut-elle, c'est qu'on n'a jamais fini d'apprendre. Et pour l'instant, ça me suffit...".

Les habitués retrouverons Catherine Bernard début mars à Mauguio, à l'occasion du troisième Vinum Nostrum.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

sympa votre site..belles ballades en perspectives! que vos pas vous menent vers des vignes enchantées..
Cordialement
MP