Des années que l'ami Marcel Richaud se bat pour faire reconnaître les vins de son village. Des années à peaufiner ses cuvées d'une main en unissant, de l'autre, ses voisins vignerons. Des soirées à potasser, avec les collègues, les dictionnaires administratifs, les normes de l'INAO et les décrets européens. Une décennie, en somme, pour faire de Cairanne plus qu'un "Cote-du-Rhone-village" parmi d'autres... Pour en faire une Appellation d'Origine Contrôlée. "Un Cru", comme il dit avec des étoiles dans les yeux.
"Cette fois, on est proche du bout, confirme Denis Alary, le Président du syndicat des vignerons. C'était le parcours du combattant. Mais d'ici quelques semaines se tiendra l'ultime réunion de commission. Ensuite, il faudra délimiter le territoire de l'Appellation... D'ici deux ans ça sera bon".Ce midi-là, le "syndicat" a réuni ses supporters à Paris, sous les moulures du Macéo, pour goûter les plus belles fleurs du futur Cru. Les benjamins (sur la photo, Romain Roche et Alain Boisson) sont passés derrière le bar. Verre en main, il y a là Jean-Claude Dassier, le patron de l'OM, le sommelier Philippe Faure Brac et l'incontournable Marc Sibard... Quelques restaurateurs avisés, des amis journalistes... En entendant le "Président" conclure son petit discours, quelques oreilles se dressent. D'autres lèvent carrément les yeux au ciel:
"Deux ans pour tracer une carte qui correspond, au centimètre près au tracé de la commune? Question rapidité, ça restera pas dans les annales!" glisse un vigneron fataliste.A la table voisine, un sourire flotte sur les lèvres de Frédéric Alary. Amateur de blancs, il sirote en connaisseur le savoureux Castel Mireïo de son collègue "Dédé" Berthet-Rayne. En joueur d'échec expérimenté, lui sait bien que seule la patience paie. Mais il s'échauffe tout de même lorsqu'il évoque les normes réclamées par l'INAO:
"Tu sais pas par quoi on est passé, rigole-t-il (photo ci-dessous). On nous a demandé de déterminer une "hauteur de palissage"... De "palissage"! Alors que la plupart d'entre nous menons nos grenaches en gobelet! Une "hauteur d'étêtage", aussi... Comme si le vent était le même partout et qu'il n'allait casser que les ceps taillés hors-normes... Tiens-toi bien, on a même voulu fixer "l'intensité colorimètrique" du Cairanne. Parce que la Syrah est à la mode et qu'elle est très colorante... Comme si on pouvait accepter ou refuser un vin selon sa couleur!"
Mais qu'importe, pour Marcel, l'essentiel est fait. Et avec la manière... Là où d'autres s'écharpent, les hommes et les femmes de Cairanne, bios, bio-dynamistes et "raisonnés", indépendants et coopérateurs, se sont battus ensemble pour hisser haut leurs couleurs. Oui, sans jeu de mot: qui l'eut cru?
2 commentaires:
Bel article. On a assisté au même déjeuner. Dommage de ne pas s'y être rencontré. J'ai fait aussi un billet sur Richaud sur mon blog. Et j'ai pris une photo sur le vôtre. Merci pour ça.
http://bonvivantetplus.blogspot.com/
Gigondas a reussi, Vacqueyras, Vinsobres et Beaumes de Venise aussi - avant Cairanne avec ses grands vignerons depuis 20 ans et plus! Ou sont les problèmes insolubles?
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