samedi 14 novembre 2009

Coup fourré à Bruxelles


Je discutais "bio" la semaine dernière avec l'ami Anthony Dufour (photo), journaliste trans-pacifique, devenu récemment propriétaire d'un excellent petit domaine en Corbières. Sa réponse me laissa pantois:
"Le bio, c'est bien joli, me dit-il vivement. Mais je m'en méfie comme la peste. C'est un énorme marché, le label est trompeur... Il ne sert qu'à rassurer le client! Je connais de très gros producteurs et d'énormes coopératives qui sont en train de tout convertir en bio, parce que c'est devenu un axe marketing majeur. Et faut voir ce qu'ils font en cave..."
Le bio, cheval de Troyes des grosses coopératives? Stupeur... Et confirmation cette semaine dans le Canard sous le titre: "le bio prend l'eau". Plus grave: selon l'auteur, les mêmes industriels auraient fait avaler à Bruxelles l'idée d'une déréglementation des pratiques de caves. La première mouture du texte arrive en discussion la semaine prochaine, explique le journaliste:
"Vu que pour l'instant la seule obligation pour le viticulteur, c'est de fabriquer son vin avec du raisin bio et peu importe ce qu'on y ajoute après, la nouvelle réglementation autorise tout un tas de pratiques pas bio pour un sou. Exemple: la "flash pasteurisation". Vous chauffez votre moût à 113 degrés pendant trois minutes (ce qui tue toutes les levures et les bactéries qui sont naturellement présentes dans le vin, ndla). Puis vous saupoudrez le nectar de levures qui vont en façonner le goût (...) selon les standards du marché".
Exit l'esprit du bio, qui veut qu'on travaille ses vignes au plus près du terroir et du millésime. Adieu les vendanges millimétrées pour obtenir le meilleur raisin et permettre à toutes ses qualités naturelles de s'exprimer en cave, sans artifice... Demain on pourra se bombarder "bio" et sentir la banane ou la grenadine de synthèse. Se dire "Agriculture Biologique" et tabasser tranquillement ses cuvées avec des levures aromatisées type "IOC Révélation Terroir" (pour intensifier le fruit d'un Pinot noir) ou "IOC R 9005" (pour renforcer la perception des tanins dans le merlot). Entre le bio des gros et celui - sincère - des artisans-vignerons, c'est le consommateur qui va avoir mal à s'y retrouver...


A propos de la bagarre du bio et/ou de Bruxelles, on peut lire aussi: "Le retour de Torquemada", "La divine surprise" et "Au nom du rosé" et "To bio or not to be"

6 commentaires:

Iris a dit…

et cest bien cela, qui permet de vendre des vins bio autour de 3 € dans les grands surfaces, comme on les trouve courrament en Allemagne (venant de l'Espagne entre autre). Pas étonnant, que l'industrie du vin saute sur le train en marche. Et pas étonnant non plus, qu'on est de plus en plus nombreux à faire du bio de la vigne, à la cave et jusqu'en bouteille, sans vouloir se réclamer de cette législation vaseuse. Dommage pour les certifiés et sérieux, qui ont préparé la voie. Et ce n'est pas demain, qu'on va nous obliger de mentionner tous nos ingrédients sur la bouteille, ce qui clarifierait les rangs - vu que là, il y aura deux lobbys qui vont se réunir...

Bebert a dit…

Ce n'est pourtant pas faute d'avoir, pour certains dont je fais partie, mis en garde les candidats aux européennes, d'Europe écologie par exemple, sur ce qui était dans les tuyaux...
Raisin de plus pour le consommateur de se fier aux cavistes qui goutent, sélectionnent les vins qu'ils proposent et se déplacent chez les vignerons...

Em a dit…

Raisin de plus aussi, pour les vignerons "natures", de s'unir et se réunir pour monter au créneau et se faire entendre distinctement. Il est grand temps, voire déjà un peu trop tard (mais mieux vaut...), d'avancer découverts. Les dernières attaques de journalistes/polémistes sont autant d'occasions de clarifier le débat alors allons-y! Merci Laurent d'organiser ce débat Bettane/Richaud jeudi.

L'équipe d'Après l'Effort a dit…

A tout organisateur tout honneur: le débat est organisé dans le cadre de la rencontre "Autrement Vins" avec le concours de l'ami Berthomeau. Je n'en suis que le modeste animateur...

Pierre de Caunes Mvs a dit…

ALlez, c'est pas cher, c'est bio et on ne sait pas vraiment comment c'est fait. Qui aime le risque de se faire avoir comme il faut?

http://bioweinreich.shop-012.de/bioweinreich-p269h23s89-Domaine-La-R%E8ze-Vin-.html?sid=9eaa7bc3995f2b81e68590621f44b70e

Je l'ai vu à 3.20 dans un magasin bio près de chez moi.

Unknown a dit…

Bonjour,

C'est vrai qu'il a un énorme danger que le l'appellation bio tombe dans le n'importe quoi. Le problème est complexe et je pense que la meilleure solution et d'obliger les vignerons à détailler les additifs sur les étiquettes. Comme cela nous verrions clairement qui usurpe et qui respecte son terroir. En tous cas deux nouveaux sites internet dédiés en vins biologiques et notamment ceux provenant d'Alsace viennent de voir le jour. Je vous adresse les liens correspondants à mes réalisations : www.vinht.fr et www.vinht.tv. Une manière de marier le commerce à l'information avec un minimum de conscience et de raison.

Cordialement,