lundi 8 décembre 2008

Quand la "belle province" fait la difficile...


Longtemps l'exportation a été le ballon d'oxygène des vins natures. Face à un marché français boudeur, les vignerons avaient trouvé à l'étranger des bras accueillants. Des clients fidèles. Mais crise oblige, l'étau se resserre.
"Chaque année, les japonais à eux seuls nous prenaient au moins 3 palettes (1800 bouteilles, ndla), raconte un vigneron de Bourgogne. Il y a un an, notre nouvel importateur américain nous promettait monts et merveilles. Et puis la crise est arrivée... Et les réponses sont devenues évasives... Puis négatives. Là, franchement, on tire la langue".
Et lorsqu'ils ouvrent la porte, les importateurs "se couvrent". Ainsi Jean-Baptiste Senat vient-il de voir sa Nine échouer aux portes de la très officielle SAQ, la société d'Etat qui détient le monopole des vins vendus au Québec. Motif: pas assez de "notoriété produit".
"C'est le jeu, on le sait, mais là, c'est le pompon! explique le languedocien. Nous ne sommes pas refusés parce que le vin n'est pas bon (30,18/45). Ni parce qu'il est trop cher. Nous décrochons même le meilleur rapport qualité-prix du lot avec un score de 23,45/25... Non, nous sommes refusés à cause "d'une déficience presse du produit"." 
En clair: pour vendre un vin, il faut qu'il soit déjà star et couvert d'articles.Un concept très favorable aux Grands Crus et aux grosses cavaleries. Un peu moins aux indépendants. Mais alors ce n'est plus la bouteille qu'on juge... C'est l'attachée de presse?

Le résultat est là, en tout cas: pas assez de notoriété, pas d'importation SAQ. Pas d'import officiel, pas de vente en magasin. Donc aucune chance de faire découvrir ses vins. Donc pas de notoriété... La boucle est bouclée. Aux Amériques, on appelle ça un "catch 22"

A propos des marchés étrangers, lire aussi "Asian connection".
Et sur le vin au Quebec le blog de Matthieu Turbide


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Et pendant ce temps, en Europe, en France surtout, on tire sur l'ambulance. Boire du vin c'est pas bien, boire du vin c'est vilain.

Le problème de la SAQ, comme tu l'as dit, c'est qu'elle est un monopole. On ne peut pas passer outre. Pour les gouvernants, elle est un goulot d'étranglement ou arrive le vin.
Au final, les quebécois auront bon goût : ils apprécient les mêmes vins que le reste de la planète : ceux des viticulteurs connus.
Pour l'Etat, la gestion de la vente des alcools lui permet d'interdire un "dérapage" vers une consommation accrue du noble breuvage, et sa mission de santé publique est préservée. Houpie!

Laurent

Anonyme a dit…

Je suis loin d'être un défenseur absolu de la SAQ, mais je dois intervenir, ici.

C'est très réducteur, comme analyse. On ne peut pas dire que, parce qu'un vin en particulier a été refusé pour cette cause, que c'est l'attachée de presse qui est jugée, systématiquement.

De plus, le refus doit être lu dans le contexte des appels d'offres, où l'on reçoit des milliers d'offres pour peut-être deux cents produits admis. Ça fait beaucoup de bon vin laissé de côté - dans un contexte où la SAQ offre tout de même des milliers de vins à sa clientèle. Ce qui compte, c'est le pointage total. Or, d'après les chiffres donnés ici, le pointage pour l'appréciation du vin, à 30/45, n'est pas le maximum...

En prime, il y a plusieurs portes d'entrée pour le vin, au Québec, au-delà des appels d'offres. Avec un agent qui travaille bien sur le terrain, on peut passer par les importations privées, soit les vins qui sont vendus dans les restos ou à la caisse aux particuliers intéressés. Il se fait parfois des volumes significatifs et, si le produit gagne des amateurs, ça compte dans l'évaluation éventuelle pour l'entrée dans les boutiques de la SAQ.

Et au total, les agents - et la SAQ - sont souvent assez fidèles aux producteurs. Ceux que je connais cherchent à établir des marques sur le long terme, en particulier dans les importations privées. Et en privé, il y a des milliers de produits qui se baladent dans les restos les mieux établis, et bâtissent en douce leur renommée.

Finalement, il faut noter que, dans le contexte Nord-Américain, le Québec a une consommation de vin très distincte du reste du continent (et beaucoup plus élevée). Beaucoup plus de vins français, beaucoup moins de grosses marques du Nouveau Monde. Le Yellow Tail, ça ne casse rien, chez nous.

Oui, les grosses marques prennent de la place, ici comme ailleurs. Mais on ne peut pas dire que le Québec boit le même vin que le reste de la planète.

Et en prime, la SAQ fait la promotion du vin comme faisant partie des plaisirs de la vie. Imaginez si ça se faisait en France...

L'équipe d'Après l'Effort a dit…

@ Remy.

Merci de ce contre-point très instructif. Notamment sur la filière privée (même si elle est soumise à des règles restrictives, je crois). Dont acte. On peut effectivement se construire une renommée "en douce", comme vous dites. "En douce", seulement?

Je retiens aussi ce soucis du marketing qui consiste "à "établir une marque sur le long terme". Même si l'idée de "marque" fera sans doute bondir mes amis...

Sur la note: si 45/45 est la note d'un vin d'exception, je trouve que la Nine et sa dominante carignan très loin des standarts, ne s'en tirent pas mal.

Enfin 100% ok avec la pique finale sur la notion de plaisir autour du vin: en France ça se perd! D'après une étude récente du CREDOC 53% des français interrogées considéraient que le vin comme une source de préoccupation pour leur santé et non plus comme un bonheur simple. Il va de soit que nous n'en sommes pas...

Amitiés à la "Belle province".