jeudi 18 décembre 2008

Carignan des Iles


C'est une carte postale qui, au coeur de l'hiver, ne peut pas faire de mal. L'histoire se passe à 17.000 kilomètres de l'hexagone sur un minuscule atoll du Pacifique baptisé Rangiroa, l'ile du "vaste ciel". C'est là, au coeur des Tuamutus, qu'un homme d'affaire multicarte s'est mis en tête, il y a dix ans de créer son Domaine et d'y faire du vin. "Entre le ciel et l'eau" comme disait Brel. A quatre mètres au dessus du niveau des eaux turquoises du lagon.

Problème: le lieu ne s'y prête guère. En Polynésie, il n'y a pas d'hiver, peu d'eau douce et des sols trop pauvres. Qu'à cela ne tienne: adossé aux conseils et aux recherches d'un vigneron bourguignon, Dominique Auroy teste en serre une cinquantaine de cépages auxquels il apprend à résister à la chaleur, mais aussi à produire en continu. Une version polynésienne des trois-huit...

Au final, coté rouges, seuls le robuste Carignan et le Muscat de Hambourg (habitué à des froids rugueux) survivent à l'aventure. C'est donc eux qu'il replante sur douze hectares de calcaire corallien, arrachés aux cocotiers. L'italia (ci-dessus) jouera la partition coté blancs.

Les sols sont nourris de compost. Des murs naturels protègent ceps, feuilles et raisins des entrées marines. La plante, elle, est irriguée au goutte-à-goutte (cinq litre par jour et par pied) et dressée en "pergola", la version tahitienne du cordon de Royat. Seul avantage: l'air salé limite les attaques de parasites. Ce qui n'empêche pas les petits crabes locaux de venir se goberger de raisin, le moment venu.

En 2000, ce sont les premières vendanges. Maigres. A peine 15 litres... Mais en sept ans, au rythme de deux par an - une en mai, l'autre en octobre - le Domaine a fini par trouver son rythme de croisière et file joyeusement vers les 70.000 bouteilles. Quelques jours avant les vendanges, lorsque le raisin est pratiquement mûr, serré sur la grappe en petits grains très denses, on stoppe l'irrigation pour provoquer un stress hydrique et marquer la fin du processus. Quelques jours après, une taille franche vient relancer la machine. Et c'est reparti pour un tour.

Dans un paysage paradisiaque, sous un soleil de plomb, les raisins quittent ensuite le lagon pour rejoindre le chai en bateau. C'est alors que Sébastien, l'oenologue, peut donner libre court à sa science. Égrappage, foulage, saignée, presse pour les blanc et les rouges. Barriques neuves pour tout le monde sauf les rosés de cuves. Là, le classique reprend ses droits.

Et ce Carignan me direz-vous, comment est-il? En rouge, boisé. En rosé (vendanges australes 2006): tempéré (12°5), fruité et orangé... Avec un coté étrangement iodé, corallien, qui surprendra les uns et dérangera peut-être les autres. Ça doit être son coté "terroir" tahitien...

Aux dernières nouvelles, Dominique Auroy s'apprêterait en tout cas à renouveler l'expérience. Au Gabon, cette fois... Mais c'est une autre histoire.

Voir aussi le site du Domaine: vin de tahiti.pf

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'avais découvert cette étonnante création d'un domaine viticole il y a quelques années déjà via le Web.

Mais il y a d'autres fous - comme Louise de zabibu au Kenia ou Carlos avec el vinoble del ciclope au Colombie - qui se battent avec leur climat, des baboins à la place des sangliers et d'autres obstacles, pour faire pousser du Pinot Noir...