jeudi 21 août 2008

Foillard: l'apôtre du Py


Au début, Jean n'était qu'un disciple. L'un des premiers en Beaujolais à avoir mis ses pas dans ceux du prophète Lapierre, sur les pentes escarpées du vin nature. C'était en 85. Deux décennies plus tard, il est patiemment devenu l'autre Saint auquel ne peuvent manquer de se vouer les amoureux de Morgon. Une référence qui cultive la modestie et n'a rien oublié des errances des débuts:
"On était là, raconte Jean Foillard, à attendre que les raisins soient mûrs. Et on voyait les vendangeuses passer sous notre nez... Et une et encore une... Tout le village ramassait avant nous: un vrai défilé! Et ça pendant parfois deux, trois semaines! On se regardait avec Marcel avec une boule au ventre. On se disait: "et si on se gourait? Si c'est eux qui avaient raison?"... On ne pouvait pas s'empêcher d'être taraudés par le doute. Mais on tenait bon."
Ramasser du raisin mûr, ne pas traiter chimiquement, ni recourir à des levures artificielles, ni filtrer les vins... Presque une révolution dans le Beaujolais volontiers industriel des années 80. Ce soir de juillet 2008, le succès est au rendez-vous. Mais il faut voir ces deux chrétiens rigoler de leurs frayeurs passées. Raconter comme ils guettaient dans le regard des dégustateurs une lueur d'approbation. Et chez les clients, l'espoir d'une commande.

Sur la longue table en chêne de la maison Foillard, la bouteille de Py 2004 délie décidément les langues. Ce terroir, Jean le travaille avec tendresse depuis 25 ans. Un diamant, la prunelle de ses yeux. Une merveille qu'il vous emmène volontiers gravir à la première occasion, comme d'autre la Roche de Solutré. Là-haut, Jean "le taiseux" se ferait presque volubile:
"J'étais parti pour être mécano, raconte-t-il. J'ai commencé et puis franchement ça collait pas. Mon père m'a demandé de revenir l'aider. C'était au début des années 80. Je m'y suis collé. J'ai repris l'exploitation et j'y suis resté...".
Puis il ajoute, émerveillé:
"Regarde comme c'est beau de là!"
Le mamelon de schiste se dresse au dessus du clocher du village; les vignes y sont littéralement posées sur un amas de morgon, ces roches décomposées qui font la spécificité du terroir. Du sommet - à 260 mètres, n'exagérons rien... - on aperçoit les autres appellations du Beaujolais: à gauche Fleurie, puis Chiroubles, Moulin-à-vent, Brouilly... En face, contre le soleil de cette fin d'après midi: Régnié, la petite dernière des AOC locales. Désormais les adeptes du vin nature comptent des disciples sur chacun de ces terroirs. Une dizaine pour la seule appellation Morgon.

Mais Jean, ce jour là, n'a pas la tête à compter les apôtres de l'église qu'il a participé à fonder. Sans égard pour son pantalon et ses chaussures de ville, il s'enfonce dans la terre détrempée par les pluies et remonte "sa" Côte. C'est qu'en juin, le mildiou a frappé ici plus souvent qu'à son tour. Le vigneron sait que ses vignes ne sont plus protégées et qu'il va lui falloir traiter à nouveau. Inquiet, le taiseux se referme. Il arpente, fouille les feuillages, évalue les grappes. Puis jette un coup d'oeil au ciel:
"Demain, murmure-t-il, pour lui-même. Demain, si tout va bien on pourra traiter..."
Le lendemain, il sera debout à 5 heures pour "poudrer" ses vignes. Au souffre, protection naturelle contre les maladies. Même si ses raisins, couvés comme le lait sur le feu, ont moins souffert que celle de certains voisins. Car là où Marcel Lapierre affiche une sérénité rigolarde, Jean Foillard, lui, avoue être un anxieux. Et un travailleur acharné. C'est cette discrète obstination qui a sans doute fait de lui, année après année, l'autre grand nom de Morgon.
    

4 commentaires:

Silvia a dit…

J'ai eu la chance et le bonheur d'ouvrir une de ses bouteilles vendredi dernier. L'occasion était un peu particulière : de retour de vacances avec quelques bouteilles à ranger (et à oublier) à la cave, nous en avons profité mon ami et moi pour mettre un d'ordre et repasser au premier plan celles qui implorent pour remonter jusqu'à notre table.
C'est ainsi que nous sommes tombés sur une bouteille de Morgon de Jean Foillard, qu'un ami bien intentionné nous avait offert et que nous avions pour le coup complètement oublié à la cave, bien plus chaude que la température préconisée sur la bouteille.
Résultat : le bouchon était sorti d'un demi centimètre. Horreur ! Malheur ! Que faire !!!

...
La boire... Quoi d'autre ? On n'allait tout de même pas repousser le bouchon...
...

C'est ainsi que de retour de vacances, après 700 km de route et 2h30 de rangement de cave, improvisant des pâtes avec un reste congelé, nous avons dégusté cette bien jolie bouteille, après l'avoir un peu rafraîchie. Et mon dieu quel bonheur, quelle finesse, quelle douceur, du velours ! Quelle fraîcheur après avoir passé 10 jours dans les caves du Languedoc, quelle princesse !

Moi qui suis plutôt une habituée des vins de régions plus au Sud, et qui n'a pas toujours accordé beaucoup de respect au Beaujolais, j'avoue que cette merveille m'a semblé être une invitation au voyage... et à réviser mes jugements ! (et mes méthodes de conservation, car je ne nie pas avoir eu du bol...)

Christian : a dit…

j'ai un très bon souvenir de dégustation du morgon "côte du py" de Foillard.
c'est surtout le velours et l'énorme sensation de croquer dans une grappe de raisin en buvant ce vin qui me reste en mémoire.
un très bon moment.

Anonyme a dit…

Je me souviendrais toujours de ma première bouteille de côte du Py 2003 de Foillard sur une côte de boeuf et l'évidence de l'accord qui sonnait comme une grosse claque. Depuis une amie qui connait Jean me ravitaille chaque année, je la béni et à chaque bouteille je prend ma claque... comme au premier jour.

enguerand a dit…

je salue ce vigneron dont les bouteilles laissent tellement de bons souvenirs. Il est sur la table de l'auberge de l'herbe rouge (Thierry puzzelat