samedi 12 avril 2008

Attention, ce blog est illégal !


Et ce n'est pas une blague.

Pourquoi? Parce que la loi Evin, qui autorise la publicité pour l'alcool à la radio, dans la presse et par voie d'affichage, n'a pas autorisé explicitement sa promotion sur internet. Or en France, en matière d'alcool comme de jeux, ce qui n'est pas autorisé est interdit. Donc, comme leVindemesAmis parle de vin - et pas pour en dire du mal... - leVindemesAmis est hors la loi. CQFD.
"Sur le plan juridique, tout est en fait interdit sur le web en matière d'alcool, rappelle le patron de l'ANPAA (Association de Prévention en Alcoologie, ndla) dans le dossier très complet que le journal du net consacre au sujet. A priori, parler d'alcool sur Internet en des termes positifs peut être considéré comme de la publicité et donc exposer les éditeurs de sites à des poursuites judiciaires et des condamnations".
Bigre! Patrick Elineau (prononcez "Elliot Ness"?) a beau insister sur le fait que son association se contente de traquer le gros gibier et qu'elle est prette à une révision partielle de la dite-loi Evin, on tremble... C'est que l'ANPAA a déjà accroché à son tableau de chasse quelques fameux trophées. En février dernier, l'association a ainsi obligé Heineken à fermer son site commercial. Mais elle a aussi fait condamner le Parisien, pour s'être fendu à Noël d'une série d'articles sur le Champagne. "Publicité déguisée", a estimé le Tribunal.

Et les sites vignerons, alors?
"On est clairement dans le collimateur, mais on fait le gros dos, explique le flegmatique Matthieu Lapierre. Depuis 2005 et la création d'un site digne de ce nom, on a beaucoup misé sur le web pour donner des infos sur notre travail, nos vins, notre état d'esprit. On ne vend pas par internet... Mais ça évite de passer des heures au téléphone ou à coté du fax. On gagne un temps fou, que l'on peut du coup consacrer aux vignes et au vin."
Mais les Lapierre le savent bien: leur bel édifice est menacé. Comme de nombreux autres, bien moins commerciaux dans l'esprit.
"Dans l'absolu, complète l'incorruptible Monsieur Elineau, un blog sur l'œnologie, un site de dégustation ou même le site du conseil général de la Gironde ou du ministère de l'Agriculture pourraient également être poursuivis pour violation de la loi Evin (sic)".
Leur faute collective, on l'a compris: faire "la promotion de boissons alcoolisées", ce qui est passible de prison avec sursis et de douloureuses amendes au titre de l'article L.3323-2 du code de santé publique. Et tout cela alors que, tranquillement installé dans votre canapé samedi dernier, vous étiez en revanche parfaitement libre de regarder sur France 2 la Heineken Cup, alias : la Coupe d'Europe de Rugby. Deux poteaux, un H comme Heineken, même si l'on effaçait la marque, le logo et les codes couleurs sont bien là. Les alcooliers sont malins. Et forcément, l'injustice agace...

Résultat: la résistance s'organise. Véronique Raisin se fend dans Picrocol d'un édito rageur contre les "Ayatollah de l'ANPAA" et une pétition, accompagnée d'une vidéo déposée sur Daily Motion, a déjà recueilli 3000 signatures.


Du coup, ça s'agite au Parlement, où certains députés ont déjà eu l'occasion par le passé de dire tout le mal qu'ils pensent de Claude Evin et de sa loi. Mais cette fois ce sont les sénateurs qui dégainent:
"Demain, si ces sanctions sont confirmées, s'inquiète le sénateur Courteau, il sera illégal d'évoquer un cépage, une appellation ou un terroir en rapport avec le vin. Même les sites touristiques n'auraient plus le droit de vanter nos vignobles! On parle d'un secteur économique qui exporte chaque année l'équivalent de 500 TVG. Et bien sûr cela ne sanctionne que les producteurs français! Les étrangers, eux, font ce qu'il veulent...".
Avec deux autres sénateurs du Languedoc-Roussillon, le vénérable Roland Courteau vient de déposer deux propositions de loi. L'une pour faire la distinction entre publicité et journalisme (sic), l'autre pour réviser tout simplement la loi Evin... Une révision dont la ministre de l'Economie ne veut tout simplement pas entendre parler:
"Le web, a dit Christine Lagarde début mars, est un vecteur trop puissant, notamment pour les jeunes".
Certes, la bagarre est d'importance.

Mais est-ce à l'Ostertag, au Senat ou au Lapierre que l'on se "murge", les samedis soirs? Est-ce à l'Arena ou au Valette (à droite, lors d'une dégustation) que l'on s'offre de "l'alcool au mètre" dans les fêtes de village? Pour le prix d'une de ces bouteilles (10, 15, 30 euros...), ne peut-on s'offrir une vingtaine de canettes? Et croit-on vraiment que les "d'jeuns", comme on dit, hésitent une seconde entre les deux?

Sanctionner la culture du vin et du terroir pour éviter des beuveries à la bière, sous le prétexte de protéger nos enfants, relève à l'évidence d'une hypocrisie bien française. Consciente de la fragilité d'une approche trop "monolytique", l'ANPAA, elle même, se dit d'ailleurs prête à une révision sous condition de la loi pour y inclure internet.

La modération, ça vaut dans les deux sens.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Effectivement, c'est là où l'on voit les limites de la loi. A moins d'obliger les sites à mettre une première page d'avertissement : interdit aux mineurs ?

Anonyme a dit…

Notre ministre fait preuve de mauvaise foi en qualifiant internet de vecteur trop exposant pour les jeunes. L'affichage en 4m par 3m et sur tous les abris-bus en ville ne constitue t'il pas le vecteur d'exposition le plus fort existant toutes cibles confondues ? Le parrainage systématique des soirées étudiantes par les groupes de spiritueux est une réalité objective partout en France; soirées dans lesquelles l'association de la marque à un moment de plaisir est la plus efficace...

Anonyme a dit…

Là encore,l'Etat fait l'amalgame entre les alcooliques consommateurs de bières trafiquées et de spiritueux bon marché et les véritables amateurs de vin mais aussi d'alcools fins qui,s'ils ne respectent pas forcément les sacro-saints 0,5 grammes consomment avant tout du vin par goût et dans un esprit de partage et de convivialité.
si le Gouvernement veut lutter contre l' alcoolisme,il n'a qu'à taxer davantage les mauvais produits plutôt que de casser les pieds à d'authentiques artisans.

Anonyme a dit…

C'est un bel exemple de sciage de branche sur laquelle on est assis où je ne m'y connais pas. Toreador a raison, à la limite, mettons une interdiction moins de 18 ans comme sur certains blogs dits pornos (connaissez vous l'excellent blog d'Evelyne Louvre Blondeau dans le genre ?). Y a plus qu'à nous dire que le vin file le cancer et la boucle sera bouclée. D'ici là, je ferai bien un petit post illégal sur mon blog mais j'aurais besoin de votre aide cher ami du vins des amis. Pourriez vous me contacter par mail ? Je ne trouve pas le vôtre sur le blog.
Par avance merci,
DQJM
dequoijmemmele@yahoo.fr