dimanche 10 juillet 2011

Quand Parker s'encanaille...


Robert Parker, c'est connu, aime les vins boisés. Surtout les Bordeaux, qu'il a contraint en quelques décennies à coller à son propre goût. On sait moins que le redouté critique américain (photo à droite) est d'abord un fanatique du Rhone, version Chateauneuf. La charpente, toujours... Stupéfaction - et signe des temps? -, on découvre que le Pape de la dégustation made in wood est capable désormais d'encenser des vins qui ne lui ressemblent pas.

Ainsi, dans la dernière livraison du Wine Spectator, Gauby (Roussillon) reçoit un 97 pour sa Muntada et Jean-Baptiste Sénat (Minervois) un 94 pour son Bois des Merveilles. L'équivalent d'un prix d'excellence dans la notation Parker... Pour l'un de ses plus farouches détracteurs! Car Jean-Baptiste, c'est l'archétype de l'"anti-Parker": Le pro-terroir, le bio, l'opposant farouche à ce fameux "boisé qui fait vendre" et à cette "fausse typicité" qui fait qu'au final "tout à le même goût". Sénat, c'est plutôt Mondovino que Parker and co... Et malgré celà, le Maître lui fait envoyer une brassée de fleurs:
"Ce Bois des Merveilles 2008 est un vin tendre et musqué qui recèle une variété de saveurs exceptionnelle, se pâme la revue américaine. Il allie le parfum des narcisses et des pivoines avec une belle concentration de groseilles et de mûres, y ajoute des notes iodées et tourbées - comme celles que l'on retrouve dans un bon whisky - et termine sur des accents doux-amer de réglisse et de noix. La bouche est ample, longue et persistante. Et l'on ne boude pas la belle fraîcheur qui donne à ce vin l'allure troublante d'un grand de Bourgogne".
Bigre... Ce ne sont plus des fleurs, c'est une couronne! Et voilà que Parker, échappant à sa propre caricature, semble tourner le dos aux cuvées puissantes qu'il a adoré pour emprunter des chemins de traverse et couvrir de lauriers un vin frais à dominante de carignan, discrètement poivré de mourvèdre. Patiné en (vieux) fûts de chêne, certes... Mais si discrètement que l'on n'y sent jamais le bois. C'est plus qu'une évolution... Presque une révolution! Flatté, le Senat le rebelle?
"Bien sûr, certains diront que ça ne sert à rien, réplique le vigneron de Trausse... Mais à nous, oui, bien sûr, ça nous fait plaisir!"
Moralité: Robert serait infiniment plus ouvert qu'on ne le dit... Et Jean-Baptiste Sénat, bien plus fréquentable qu'il ne se plaît à le laisser penser. Deux infos en une.


11 commentaires:

Julien a dit…

Rob a depuis longtemps salué la qualité des vins de Gramenon par exemple...

Olif a dit…

Si les goûts de Parker évoluent en bien, tant mieux pour lui! Mais est-ce que l'amateur de longue date des vins de Jean-Baptiste doit s'en réjouir? Dans un sens comme dans l'autre, j'en doute...

L'équipe d'Après l'Effort a dit…

@ Julien : Vrai pour Gramenon, mais il n'est pas exclu qu'il ait été difficile de "snober" des vins qui étaient déjà stars au Japon par exemple.

@ Olif : Si ça n'impacte pas la manière de faire, où est le risque? Fauit-il craindre que ces vins deviennent populaires? Y perdraient-ils leur âmes, Olif?

Les Pi(c)rates a dit…

le seul hic de ce papier c'est qu'en aucun cas ces vins n'ont été goûtés par Uncle Bob, dont le goût a (malheureusement?) fort peu varié. Le Languedoc-Roussillon, parent pauvre du monde viticole, est dégusté par un subalterne, l'Autrichien David Schildknecht, qui part dans d'autres directions.

Les Pi(c)rates a dit…

Pour info: http://www.erobertparker.com/Info/dschildknecht.asp

Nous avions d'ailleurs évoqué il y a quelques mois les démêlés de Monsieur Schildknecht avec certains sbires d'Uncle Bob qui lui tenaient la main (pour des histoires de vengeances et de gros sous) afin de l'aider à écrire ses notes du Languedoc-Roussillon.

Olif a dit…

La popularité version Bob, c'est plutôt une forme d'élitisme, qui entraîne parfois une surenchère de la part de ceux qui vénèrent plus les notes que les vins. Que Jean-Baptiste soit reconnu à la mesure de son talent par les "officiels", tant mieux, je n'ai pas vraiment de crainte que cela puisse modifier sa façon de penser" son vin. Par contre, cela risque d'être encore plus difficile de s'en procurer...

Christian : a dit…

je suis content pour les vins de Jean-Baptiste et je pense que cette "ouverture" (si s'en est une ) de Mr Parker (ou de son équipe) est une bonne chose car il y a encore beaucoup à faire dans le monde du vin pour que cette notion de Fraîcheur sur les rouges soit bien intégré par tous.
Que l'on aime ou que l'on aime pas Mr Parker son grand "rayonnement" dans la sphère viticole peut aussi permettre , si cette ouverture n'en reste pas là , de mettre en avant une autre façon de voir Le vin avec la fraîcheur mais aussi la pureté à intégrer dans la définition du grand vin.
Maintenant quand je cherche un guide pour les vins c'est pas vers un Américain que je tourne mais plutôt vers Le carnet de vigne de Sylvie Augereau et je pense que le chemin est encore long avant que je me Parkérise.

L'équipe d'Après l'Effort a dit…

@Pi(c)rate : merci pour cette précision... Qui n'est pas un "hic", mais une info en plus!

Il reste que le disciple écrit dans la revue du Maître. Sous sa MARQUE. Et qu'on imagine pas qu'il puisse le faire sans qu'Oncle Bob ne soit ok. Tant pis pour lui si - à titre perso - il est resté scotché sur ses goûts d'antan. Ce qui compte, c'est ce qu'il laisse écrire. Parce qu'ainsi il endosse de facto pour ses lecteurs l'avis de son "subalterne", comme tu dis.

Jean-Charles a dit…

L'histoire ne dit pas ce que boit M. Parker chez lui ... et pourquoi pas du J.B Sénat ? La seule chose qui compte c'est qu'il en reste pour tous ceux qui apprécient les vins de Charlotte et J.B Sénat depuis longtemps car eux n'ont pas attendu pour encenser leurs vins.

Philippe Gimel a dit…

@Pi(c)rates : en ce qui me concerne et pour la Vallée du Rhône Sud, c'est absolument et sans aucun doute RP himself qui déguste, il a encore gardé ce coin qu'il affectionne le + dans son giron perso.

Concernant le bois, je ne sais pas si vous avez déjà lu ce qu'il a écrit sur mes vins (Saint Jean du Barroux), mais j'ai eu l'énorme privilège de recevoir les meilleurs notes jamais donné dans le Ventoux, soit 94 et 95 et alors qu'il a lui-même écrit que ce qu'il trouvait exceptionnel était que mes vins étaient fait SANS AUCUN bois...mais en béton et acier émaillé!!

Je connais pas mal de très grands dégustateurs qui ont dégusté avec lui et tous disent que c'est un super dégustateur. Il a eu ses préférences, c'est sûr, mais mon exemple le montre, il peut donner les meilleures notes à des vins sans aucun bois!!

Et je peux vous dire que je n'ai jamais cherché une seconde à obtenir des notes, juste à faire ce que je croyais de plus authentique par rapport à mon super terroir.

Comme toujours dans le vin, je crois qu'il y a beaucoup d'à priori, et hélas c'est plutôt l'aveuglement de certains (beaucoup) acheteurs pros à acheter en fonction des notes de Parker qui est condamnable. Et aussi tous ceux qui ont cru bon de travestir leurs vins pour plaire au maitre...

Moi je ne l'ai jamais fait et pourtant ça marche...
A la vôtre en espérant partager ensemble une dégustation de vins NON boisés ;-)

Cours de dégustation du vin à Paris a dit…

Critique de vins est un vrai métier de super héros.