Tout, mais pas le vin, visiblement. Et pourtant, il y a du monde à la carte: un Pinot blanc d'Ostertag, quelques jolis Languedoc, un Gauby, deux Pithon... Mon petit doigt me dit d'ailleurs qu'une "Laïs" devrait se balader joliment sur le menu dégustation.
"Non, non", nous dissuade le jeune homme que l'on nous a envoyé parce qu'il "connaît le vin". Pour le menu dégustation, je vous recommande "l'Infidèle" de Cal Demoura (Terrasse du Larzac, Coteaux du Languedoc, ndla). Ça vous accompagnera parfaitement."Il a l'air sûr de lui, on le laisse faire.
"De toute manière, ajoute-t-il en se voulant rassurant, tous nos vins sont choisis en fonction de nos plats. On ne sert que des vins légers, pour ne pas gêner la cuisine..."C'est vrai quoi! Faudrait pas que le vin viennent gâcher l'assiette... A ce stade, on imagine le frisson d'inquiètude qui nous remonte l'échine.Mais il fait beau et malgré l'air conditionné qui commence à nous enrhumer, le repas s'annonce délicieux. Nous cédons donc en demandant seulement que l'on carafe l'"infidèle" pour le laisser s'ouvrir un brin. Toujours très affable le serveur opine du chef et revient avec un 2006 qu'il ouvre sans vous laisser le temps de faire ouf, avant de poser la bouteille sur la table et de tourner les talons.
"Excusez-moi, le rattrape-t-on. Pouvez-vous la carafer, s'il vous plaît?"Il s'excuse, acquiesce à nouveau et repart avec la bouteille... Qui disparaît ainsi pendant les deux premiers plats. Délicieux, les plats, quoique effectivement "minimalistes". Traduction polie de minuscules: boeuf "Wagyu" au basilic, ravioli de veau aux herbes thaï... En cuisine, William Ledeuil et sa brigade tiennent le rythme. Il est à peine 21 heures 20 et en salle les serveurs s'agitent déjà pour préparer le deuxième service.
Finalement, après un gros quart d'heure, retour de l'"infidèle". Mais toujours en bouteille! Et avec cinq ou six degrés de moins que dans la version d'origine... Un assemblage Carignan, Grenache, Mourvèdre à la température d'un rosé de piscine, ça c'est concept! Mais le serveur semble soulagé: "Ça devrait aller mieux comme ça, non?", interroge-t-il, en attendant notre réaction:
"En fait, sourit-on gentiment, je voulais que vous le carafiez..."
- Ah, fait-il avec un air désolé... C'est qu'on n'a pas de carafe ici. Je suis navré.
- C'est pas grave, rigole ma compagne. La prochaine fois, on vous en offrira une!"Sourire diplomatique du jeune homme qui revient quelques secondes plus tard avec les fameuses cuisses de grenouille sautées de Ze Kitchen. Un coup d'oeil aux alentours: "L'infidèle" trône sur quatre ou cinq tables. C'est visiblement la cuvée que le patron a décidé d'écluser rapidement.
Heureusement, le vin commence à reprendre quelques couleurs (et quelques degrés) dans le verre. Le mourvèdre fait finalement merveille sur la glace au chocolat blanc, coco et wasabi qui clôt le bal. Nos voisins japonais, continuent à photographier leurs assiettes avec passion. A notre gauche un trader, apparemment bien remis de la crise, a eu la sagesse de ne commander qu'un plat avec un verre de vin blanc. Glacé, of course.
Voilà. En un mot comme en cent, on court toujours après celui qui comprendra que le vin n'est pas qu'un exercice imposé. Un condiment mineur à ranger derrière le Wasabi ou le vinaigre de riz... Mais un complice. Un partenaire. On attend toujours le chef qui acceptera de jouer avec le poivré d'un mourvèdre et le fruit d'un carignan comme avec les saveurs des épices les plus exotiques.
In Ze Kitchen, on a beau être hype, on a encore beaucoup à apprendre de ce coté là.
Nota bene - 28 août 2011 - depuis la rédaction de cet article on nous dit que les propriétaires (par ailleurs talentueux) de Ze Kitchen, piqués au vif par la critique, ont serré les boulons, acheté des carafes et pris soin de leur cave. Compte tenu du prix du repas, nous n'avons pas encore vérifié, mais on ne demande qu'à les croire!
1 commentaire:
Tiens moi je vais vous donner une adresse que ne nous n'a pas encore livré Luc Dubanchet. "L'instant" à Biarritz.Une cuisine inventive et digeste, une salle de vingt cinq couverts en prise directe avec la cuisine et un souci rare de mettre en avant les vignerons et les vins.
La semaine derniére dans un choix de huit vins au verre (à parfaite température), il y avait par exemple du Barral 2005 !
Jean-Marc Salva ne se prétends pas expert en vins, mais il aime les vignerons; ça fait du bien.
Jean-Baptiste.
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