jeudi 21 février 2008

Vinum Nostrum : "C'était pas mal, non?"


Il rare d'entendre Jean-Baptiste Senat exprimer sa satisfaction. Au mieux, il trouve ses propres vins "pas mal". L'homme est plutôt en bémol qu'en dièse. C'est comme ça. C'est sa façon d'être exigeant. Peut-être une façon d'être... 

Pourtant, ce soir, de retour de la troisième édition de son Vinum Nostrum, il a du mal à cacher sa joie. Un bonheur simple comme le petit message qu'il vient de trouver dans sa boite mail...
"Merci pour ce moment passé ensemble. J'étais très fier d'être admis parmi ces remarquables vignerons."
Le compliment est signé Jean-Hervé Chiquet, le patron des Champagnes Jacquesson (à gauche). Et il en dit long sur l'esprit de ce "off" pas comme les autres : car voilà un producteur qui ne court ni après les clients, ni après les honneurs, affiche des bilans flatteurs et prend tout simplement "plaisir à côtoyer des collègues", loin de la rugueuse concurrence de sa Champagne natale : une quarantaine d'artisans-vignerons qui, comme lui, font du vin. Tout simplement. Et chacun à sa manière:
"C'est tout l'esprit, explique Charlotte Senat, l'organisatrice de la manifestation. Mutualiser les carnets d'adresses, sortir des créneaux, des bagarres locales et des rivalités de chapelles. Offrir une sélection clé en main... Et la vraie bonne surprise cette année, peut-être grâce au mélange des genres, c'est que nous avons été submergés de contacts. Beaucoup d'importateurs comme le japonais Yoshio Ito ou l'americain Joe Dressner (à droite), mais aussi des cavistes, des restaurateurs, des sommeliers. Il y avait une sensation de découverte. C'était à la fois éclectique et décoiffant".
Au total, 600 personnes se sont pressées le 19 février dans les locaux du Patio de Mauguio. Entre l'ancien chai transformé en restaurant et la remise ouverte pour l'occasion, en passant par la cour, on aura pu croiser la sommelière de Thierry Marx (Pauillac) et son collègue de l'Oustau de Baumanière (le repère de Jean Reno... Et Nicolas Sarkozy à Saint-Remy-de-Provence). Le représentant de la Société des Bains de Mer de Monaco aura pu (ou pas...) tenter sa chance à la table de l'iconoclaste Didier Barral, le grand manitou des vins bios, rarissime en dégustation publique.

Plus loin, Thierry Puzelat (Cheverny) a vu approcher avec une satisfaction visible de nouvelles clientes (ci-contre). Là encore, le sommelier du Bistrot des Alpilles aura peut-être croisé - sans le savoir ? - Cyril Bordarier, le très exigeant caviste parisien (ci-dessous).

Choc des cultures, des goûts et des méthodes...

A Mauguio, en tout cas, des amateurs éclairés et des professionnels, auront eu la chance de se frotter à des montagnes comme Richaud (Cairanne), Lapierre (Morgon) ou Charvin (Chateauneuf-du-Pape), sans tourner le dos à la jeune génération.

Un exploit salué par les nouveaux venus:
"C'est énorme, vraiment, témoigne Frédéric Palacios, le petit dernier, encore sur un nuage. Il n'y a pas le stress des salons, le costard-cravate... On a vraiment le sentiment d'être en phase avec les acheteurs. Et puis les stars font vraiment la courte échelle aux petits. Un type comme Antoine Arena - un monsieur, vraiment très impressionnant, très "maitre de la maison", patriarche corse quoi... - il vient goûter ton blanc et il t'envoie du monde : "Allez goûtez ce jeune, là", il dit à ceux qui s'arrêtent à sa table... Antoine Arena! Non, vraiment, il n'y a pas que les vins qui sont bons. Les hommes aussi".
L'"incontournable de la Malepère" est rentré de l'Herault avec une quarantaine de cartes professionnelles. Des japonais, des américains, des Allemands, des Irlandais, sans oublier un importateur mexicain. Sur le papier, sa production 2007 est pratiquement vendue. Pas mal pour un début.

A court de bouteilles, les Senat ont dû promettre d'autres rendez-vous entre Trausse et Paris. On a vu un nombre impressionnant de "quilles" tomber à la table de "Jo" Landron, l'homme du Muscadet (photo à gauche). Sous les assauts répétés des visiteurs, un vigneron comme Maxime Magnon aura "vidé 48 bouteilles dans la journée". 38 pour le seul Dominique Andiran, qui ne s'attendait visiblement pas à rencontrer un tel succès:
"Ca m'a surpris de trouver là tous ces gens... Et c'est précieux pour un gars comme moi qui travaille une toute petite appelation, même pas une AOC (Côtes de Gascogne, ndla)... Mais tout de même, c'était drôle de voir des japonais prendre des photos, mettre le nez dans mon Ruminant, goûter Pissenlit, rester sur le cul et me demander aussi sec si j'avais un importateur là-bas! Du coup, je crois que je vais sauter le pas, accepter d'être distribué là-bas. Le seul truc qui m'ennuie un peu c'est les volumes... Je vais avoir du mal à fournir. Enfin, vaut mieux ça que le contraire! Le seul vrai regret, en fait, c'est que j'ai tellement bossé que je n'ai pas eu le temps de goûter les autres".
On trouvera bien sûr quelques regrets, quelques reproches. Trop de ceux-ci... Pas assez de celà... C'est la règle du métier que d'exercer en tout ses talents de critique. Et en la matière Charlotte Senat (photo ci-dessous), la maîtresse d'oeuvre du "Off" sait - aussi - être intraitable...

Mais de Chiquet (350.000 bouteilles) à Palacios et Andiran (à peine 20.000), de la haute gastronomie monégasque aux caves branchées de la capitale et du Muscadet aux Côtes du Rhone en passant par la Champagne et le Languedoc, les plus exigeants devront se rendre à l'évidence : la qualité de ce Vinum 2008 a fait l'unanimité. 

Encore une nouveauté à laquelle les Senat vont devoir s'habituer...


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